Écouter battre
le CŒUR de la forêt
Quel est le bruit de la nature ? Les générations précédentes savaient décoder ses signaux : c’était, pour elles, une question de vie ou de mort. Aujourd’hui, nous avons, pour la plupart, perdu cette faculté, peut-être parce que notre survie n’en dépend plus.
Planet Indonesia
Qu’il s’agisse d’un léger bourdonnement ou d’un bruissement quasi imperceptible des feuilles, la nature a beaucoup de choses à dire à ceux qui savent l’écouter. Ses sonorités composent une pulsation, une rythmique régulière, que l’on réduit souvent à un simple bruit de fond.
L’organisation citoyenne locale Planet Indonesia s’appuie sur les pouvoirs combinés des sons et de la science pour préserver un trésor naturel irremplaçable : le cœur de Bornéo. À l’aide de microphones ultra-sensibles et d’un logiciel de bioacoustique piloté par l’intelligence artificielle, elle décode les paysages sonores des forêts tropicales de Bornéo dans le but de protéger cet environnement unique et ses espèces endémiques.
Ce projet est financé par Cartier for Nature, l’initiative philanthropique de la Maison qui vise à préserver et restaurer la biodiversité et les écosystèmes pour les générations futures. Créé par la Maison en 2020, le fonds Cartier for Nature soutient aujourd’hui plus de 27 organisations dans le monde dans leur mission de protection de la planète.
La bio-région du cœur de Bornéo se trouve de part et d’autre de la frontière entre le Kalimantan central et le Kalimantan occidental. Elle abrite la plus grande population d’orangs-outans de Bornéo et constitue également l’habitat naturel de plusieurs autres espèces menacées, comme le calao à casque rond, le gibbon à barbe blanche de Bornéo ou le pangolin javanais.
Planet Indonesia travaille en étroite collaboration avec les communautés dayak locales qui vivent dans cette bio-région et qui, en tant que peuple indigène, ont une connaissance intime de leur environnement. La tradition et l’innovation vont de pair grâce à cette approche qui favorise une gestion durable des forêts et des ressources naturelles, à la fois pour les populations et pour l’environnement.
Utilisant un programme spécifique, Planet Indonesia analyse les cris des différentes espèces animales pour surveiller leur statut dans l’écosystème et relever toute variation dans le temps. L’organisation est ainsi en mesure de détecter les nouvelles menaces et de mesurer l’impact de ses efforts de préservation. Ce travail permet également aux communautés locales de prendre des décisions de conservation sur la base des données récoltées.
Sur une période initiale de deux ans, le projet étudiera chaque battement de cœur de cette forêt tropicale unique, écoutant chaque voix, chaque murmure et chaque rugissement. Ces multiples enregistrements généreront des données qui permettront d’établir un réseau de « zones de non-prélèvement » protégées, des espaces de la forêt particulièrement importants pour l’écosystème, où aucun abattage d’arbre ni aucune autre extraction de ressources naturelles ne sont autorisés. Avec le temps, Planet Indonesia espère élargir ce réseau à d’autres parcs du Kalimantan afin de créer un refuge pour la biodiversité, soutenu et protégé par les communautés locales.
« C’est la première fois que nous utilisons le pouvoir de l’intelligence artificielle pour mener une étude sur la biodiversité. Cette technologie aide les communautés à prendre des décisions de conservation adaptées à la forêt dans laquelle elles vivent. »
Bioacoustique: le monde animal vu comme un orchestre
Pionnier de la bioacoustique, le musicien et acousticien Bernie Krause a, depuis plus de 40 ans, collecté près de 5 000 heures d’enregistrements sonores d’habitats naturels sauvages, terrestres et marins, peuplés par près de 15 000 espèces animales. À l’invitation de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, il a créé Le Grand Orchestre des Animaux, une exposition offrant au public une immersion dans l’univers sonore des animaux. Bernie Krause est ainsi devenu maître dans l’art de révéler la beauté, la diversité, et la complexité des langages du monde sauvage. Il nous implore d’écouter ces voix du vivant non humain avant qu’un silence définitif ne s’abatte sur elles.